Pas de stratégie sans spécificité

dimanche 1 mai 2011 | 0 commentaires
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La stratégie gagne toujours à être précise. La spécificité est encore plus importante quand on planifie et met en œuvre la stratégie. L’un des rôles clés d’un leader stratégique consiste à progresser à partir d’affirmations générales jusqu’à l’expression de l’intention spécifique, puis de passer au plan concret de mise en œuvre.

Songez au Débarquement en Normandie de 1944. Eisenhower n’a pas dit « On va débarquer quelque part en Europe en espérant que tout se passe bien ». Lui et son personnel ont décidé du pays précis où aurait lieu le débarquement, du laps de temps précis pour accomplir cette tâche, de la région précise et des plages précises pour servir de tête de pont. Il a aussi assigné des tâches précises à des unités précises à des moments précis et à des dates précises. Ils devaient aussi atteindre des objectifs précis dans un laps de temps précis. Les directives précises d’Eisenhower étaient alors successivement transmises le long de la chaîne de commandement, tout en devenant de plus en plus détaillées et précises. Naturellement, rien n’a fonctionné exactement selon le plan, mais le fait que les Alliés aient pu arracher à l’ennemi ces plages et mettre en place une tête de pont témoigne de la capacité d’Eisenhower et de son personnel à fixer des objectifs précis et à donner des instructions précises à des gens précis.

Je trouve que les propriétaires d’entreprises et les cadres supérieurs confondent trop souvent, « être spécifique ou être précis » avec la microgestion ou le sens exagéré des détails. Ils ne veulent pas être accusés d’être sur le dos de leurs employés. C’est une préoccupation valable, mais injustifiée si la stratégie et les directives sont trop vagues ou trop générales pour se traduire par des actions probantes.

Nous voyons trop souvent des énoncés de mission comme « être le fournisseur principal de X ». Qu’entend-on par principal? Comment définissez-vous ce concept? La mission devrait préciser ce qui différencie votre entreprise ou votre organisation. Un énoncé de mission est souvent la meilleure façon de résumer et de véhiculer la vraie valeur et le positionnement d’une entreprise. Prenons par exemple l’énoncé de mission de Google : « La mission de Google est d’organiser l’information du monde et de la rendre universellement accessible et utile ». Cela énonce clairement la valeur que cette société apporte et ses principaux avantages concurrentiels, sans toutefois donner de détails sur comment elle le fait, car cela aura de toute manière tendance à changer rapidement.

Une autre faiblesse des stratégies et des plans stratégiques est de dresser une liste d’objectifs sans nécessairement préciser comment ils seront atteints. J’ai souvent entendu dire que la stratégie concerne le « quoi » et non le « comment ». Mais, c’est une erreur à mon avis. Pour élaborer une stratégie valable, vous devez spécifier comment vous allez différencier vos services et vos produits de ceux des autres, quels sont vos avantages concurrentiels, ce que les clients trouvent uniquement chez vous et comment vous allez entreprendre cela en termes généraux. Vous devez aussi spécifier vos priorités au niveau des objectifs et les ressources que vous utiliserez pour les atteindre. Enfin, vous devez spécifier les compétences et les capacités majeures qui seront nécessaires pour exécuter la stratégie, sinon vous risquez de vous retrouver avec une brillante stratégie que vous ne pourrez pas mettre à exécution. Autrement dit, la stratégie exige une spécificité; mais une spécificité différente de celle requise aux niveaux opérationnel et tactique de la mise en œuvre.

La chose la plus difficile à faire est de passer de la stratégie et des objectifs stratégiques à un réel plan de mise en œuvre. Selon mon expérience, il y a trois exigences incontournables pour réussir la mise en œuvre. D’abord, vous devez identifier ce que vous allez faire concrètement pour atteindre les résultats stratégiques voulus. Par exemple, si vous décidez d’étendre vos services à l’ouest, vous devez identifier un premier emplacement, puis créer un plan opérationnel pour donner suite à cet élément particulier de la stratégie.

Le deuxième ingrédient essentiel au succès de la mise en œuvre consiste à établir les buts qui s’y rattachent et un délai d’exécution. Les buts peuvent être axés sur les résultats, par exemple une augmentation de 10 % des ventes d’ici un an. Mais ils peuvent aussi être basés sur les données : identifier et présélectionner trois nouveaux emplacements d’ici le 1er juin, et ensuite prendre une décision avant le 1er juillet sur l’emplacement idéal pour s’agrandir. Comme vous le remarquerez, ce sont des objectifs précis, déterminés de la même manière que ceux du Débarquement en Normandie : d’abord, quel pays, ensuite quelle région, ensuite quel endroit spécifique, puis avant quelle date.

Le dernier élément d’une mise en œuvre réussie est de confier la réalisation de l’objectif à une personne donnée. Autrement dit, une personne doit être responsable; si ce n’est par voie hiérarchique ou juridique, du moins que ce soit un leader et un champion qui verra à la réalisation du projet. J’ai toujours été très en faveur d’assigner à une personne donnée la responsabilité d’agir et d’obtenir des résultats. Plutôt que de vagues affirmations d’intentions, vous obtenez une approche axée sur l’action. Plus la tâche sera difficile, plus cette personne doit être à la hauteur.

En résumé, la stratégie et les plans stratégiques doivent être suffisamment précis pour englober les principaux différentiateurs de l’organisation, ses avantages concurrentiels et son positionnement. De plus, vous pouvez être spécifique sans entrer dans les détails. Laissez les détails à ceux qui doivent mettre en œuvre les divers éléments de la stratégie, à ceux qui sont responsables d’atteindre les objectifs.

© 2011 Richard Martin. Permission accordée de reproduire et citer à des fins non commerciales en mentionnant Richard Martin comme l’auteur de ce texte.