Ne craignons pas la peur

dimanche 15 février 2009 | 0 commentaires
Libellés : , ,

Les bouleversements économiques que nous vivons à l'heure actuelle semblent amener un vent de pessimisme et de peur. Il est très intéressant de constater la rapidité du changement d'humeur chez la majorité de la population, des médias, des politiciens. Pas plus tard que l'automne 2008, la plupart des économistes au Canada - et avec eux les ministres des Finances - prédisaient un bref ralentissement économique suivi d'une remontée en 2009 et 2010. Que les temps ont changé.

Remontons en 1999. Les États-Unis et leurs alliés (dont le Canada) avaient gagné la Guerre froide. Les Balkans, remis de leur folie temporaire due à la fin de la menace soviétique, étaient en paix. Les grands responsables de l'économie mondiale négociaient de nouveaux accords commerciaux visant à réduire les douanes et autres entraves au commerce international. L'économie allait bon train et les gouvernements cumulaient des surplus budgétaires, de quoi réduire les niveaux d'endettement public, comme de bons keynésiens. Et, bien sûr, il y avait la Bourse. Certains « experts » prédisaient que l'indice du Dow Jones pourrait atteindre le vertigineux sommet de 36 000 dans dix ans. C'était alors 1998.

Il y eut alors le krach boursier du NASDAQ au début de l'année 2000 (actions des sociétés de technologiques), suivi de fortes baisses de tous les autres indices boursiers, des débuts d'une décennie de croissance démesurée de l'endettement public et privé, ainsi que de l'expansion de marchés financiers de produits dérivés, dont les mécanismes étaient incompréhensibles et dont les déboires sont maintenant bien connus.

Eh bien, nous voilà dix ans plus tard. L'indice du Dow Jones est à 7 850 (en date du 13 février). Je n'ai pas besoin de vous répéter la litanie de mauvaises nouvelles sur le plan économique. En moins de dix ans, nous sommes passés d'un optimisme débridé à un pessimisme de plus en plus évident. « L'exubérance irrationnelle » de la fin des années 90 s'est transformée en désespoir et en peur. La complaisance et l'assurance se sont transformées en méfiance et en doute. Soyons clairs. Le monde n'est pas plus incertain maintenant qu'il l'était il y a 10 ans, ou même un an. Ce qui a changé c'est l'humeur des gens.

Certains me diront que les gens ont raison d'être de mauvaise humeur et de craindre pour leur avenir. Je ne nie pas ceci. Ce que je questionne c'est l'excès de peur et de méfiance. Si la situation économique continue de dépérir, il y en aura pour dire que c'est la fin du monde. Ces déclarations seront en fait le complément des excès d'optimisme des années 90. Elles ne seront pas plus rationnelles ou réalistes non plus.

Le problème, c'est que lorsqu'on a peur, on agit de façon irrationnelle. Nous voyons ceci dans le vent de protectionnisme qui souffle sur toutes les économies du monde. Les politiciens peuvent bien se rassembler pour émettre des déclarations de soutien au régime actuel de libéralisation des échanges, la réalité est que cette mouvance prend son impulsion dans la hargne protectionniste de la population, c'est-à-dire des gens qui y voient la cause de leurs propres problèmes financiers et économiques. En somme, il devient presque impossible de maintenir un régime de libre-échange lorsque survient une période de chômage et de grave recul de l'activité économique. Si je dirigeais une firme dont les revenus et les profits dépendent en grande partie des exportations, surtout aux États-Unis, je me préparerais pour d'autres manifestations d'une attitude protectionniste.

Comprenez-moi bien. La récession économique est une réalité. La mouvance protectionniste est une menace réelle. Je mets plutôt en garde contre l'excès de pessimisme et de peur. Lors de son discours inaugural en 1933, le président américain Franklin Roosevelt déclara : « We have nothing to fear but fear itself. ». Ces paroles doivent nous servir de guide durant les périodes de bouleversement et d'incertitude.

Certes, il y a des menaces, certaines très graves, qui pèsent sur nos affaires et nos économies. Mais il y a aussi des opportunités. Il ne faut pas perdre le nord. C'est à nous, les leaders, les entrepreneurs, les gestionnaires, de prendre les rênes et de diriger avec courage afin de dénicher les opportunités, qu'elles soient de nature économique, financière, politique ou sociale.

© Richard Martin 2009