Au-delà de la prochaine colline

mardi 2 août 2011 | 0 commentaires
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Il y a quelques semaines, j’écrivais ceci sur mon blogue (www.exploitingchange.com) : Chez les militaires, on enseigne aux jeunes officiers et sous-officiers à penser « au-delà de la prochaine colline ». Ce qui signifie que vous ne pouvez pas vous concentrer seulement sur le prochain objectif, le prochain bond tactique (un objectif intermédiaire de mouvement) ou le prochain instant. Vous devez constamment penser à ce qui peut arriver ensuite. Vous devez aussi penser à ce qui peut ou ne peut pas se produire à la suite de vos décisions et de vos actions. C’est un peu comme les bons joueurs d’échecs, les bons joueurs de billard et les bons golfeurs, qui pensent constamment aux coups d’attaque et de contre-attaque qui suivront le prochain coup.

Ce type de pensée anticipatoire est différent de la planification de contingence. La planification de contingence consiste à prévoir des situations et des événements qui sont dans une large mesure indépendants de nos propres actions et qui sont intrinsèquement incertains. Par exemple, l’effet potentiel de la météo sur un projet de construction. La pluie et le beau temps peuvent affecter la vitesse de construction d’une route, mais aucune planification ne peut influencer les conditions météorologiques. D’un autre côté, il est possible de prendre des mesures pour atténuer les effets potentiels de la météo et optimiser les conditions de réussite du projet de construction. C’est le domaine des plans de contingence.

En contrepartie, chaque fois que nous avons affaire à des humains, nous entrons dans un monde complètement différent qui exige un autre type d’anticipation. Quelqu’un a dit un jour que la différence entre les sciences naturelles ou exactes (par ex., la physique, la chimie, l’ingénierie, etc.) et les sciences humaines est semblable à la différence entre donner un coup de pied à un rocher et à un chien. Les différences sont qualitatives plutôt que quantitatives. Il est évident que nous sommes dans des domaines complètement différents de la connaissance et de la pratique.

Ce type d’interaction exige une prévoyance dynamique, c’est-à-dire l’habileté non seulement d’anticiper, mais de le faire en se basant sur ses propres « mouvements » ainsi que sur les buts, les motivations et les intérêts de l’autre personne. Chaque fois que vous négociez, vous devez envisager l’éventail de réponses et de réactions possibles à vos offres, et préparer vos propres réponses éventuelles. Ce type de dynamique de mouvement et contremouvement (attaque et contre-attaque) peut se dérouler sur plusieurs cycles.

Je pousserais ce concept plus loin en faisant remarquer que cela relève entièrement du domaine de la stratégie. Souvent, en conversant, les gens invoquent leur stratégie pour expliquer comment ils ont accompli quelque chose alors qu’il n’y avait aucune possibilité de réponse intentionnelle. Par exemple, vous pouvez dire que vous avez une stratégie pour creuser un trou, mais en réalité le sol n’a aucunement l’intention de résister à votre action. Il existe des facteurs éventuels, comme la météo, mais aucune autre personne ne participe au creusage. Par contre, chaque fois que vous interagissez avec d’autres êtres humains qui ont leurs propres objectifs, intentions et motivations, vous êtes nécessairement dans le domaine de la stratégie. La capacité de prévoir leurs réactions et leurs réponses longtemps d’avance est essentielle pour atteindre vos buts.

Quels que soient vos objectifs, la voie la plus sûre pour réussir vos interactions stratégiques consiste à déterminer dès le départ si vous êtes en situation de conflit, de concurrence ou de coopération. Beaucoup d’interactions stratégiques échouent parce que les personnes concernées ne réalisent pas que les gens agissent et réagissent différemment selon le ton de l’interaction, particulièrement quand ils perçoivent que leurs intérêts fondamentaux sont en jeu. Par exemple, des négociations peuvent prendre un tournant très différent si vous vous sentez en conflit ou en compétition (gagnant-perdant) ou en coopération (gagnant-gagnant). Certains leaders essaient de motiver les membres de leur personnel en les mettant en compétition les uns contre les autres, alors qu’il faudrait plus de coopération. Cela peut s’envenimer si le leader suscite un conflit entre les membres d’une même équipe.

Encore plus d’inefficacité pourrait découler de l’attitude d’un leader qui traiterait les gens comme des objets, plutôt que comme des êtres vivants qui respirent, qui ont des motivations, des aspirations et des intérêts pouvant parfois beaucoup différer. Il faut de la lucidité et de l’intuition pour comprendre les personnalités, les comportements et les émotions. Il faut également être capable de prévoir les conséquences de ses interactions, non seulement dans l’immédiat, mais encore plus loin « au-delà de la prochaine colline ».

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