Les compagnies devraient sonder le occasions plutôt que de foncer à tête baissée

samedi 8 janvier 2011 | 0 commentaires

« …les entreprises démontrent depuis quelque temps une tendance déplorable à se précipiter plutôt qu’à d’abord sonder le terrain. »
Igor Ansoff, Corporate Strategy

Igor Ansoff a été l’un des pères de la stratégie commerciale. Il a écrit cette phrase en 1965, mais elle est tout aussi pertinente aujourd’hui. Il faisait évidemment référence au fait que beaucoup d’entreprises (sinon la majorité) ont tendance à se lancer dans des changements stratégiques majeurs sans nécessairement savoir dans quoi elles s’engagent. C’est ainsi que nous avons connu des vagues de fusions et d’acquisitions, des bulles de surinvestissements et diverses manifestations de mimétisme économique, financier et commercial.

L’approche « au diable les risques » fonctionne souvent si vous êtes le premier dans un nouveau secteur, mais comment en être sûr? Comment savez-vous que ce que vous tentez fonctionnera? Et qu’en est-il si vous êtes un joueur déjà bien établi et prospère? Allez-vous tout laisser tomber pour vous aventurer dans l’inconnu? Qu’arrivera-t-il si vous n’avez pas toutes les informations pour prendre des décisions éclairées face à l’avenir?

Ne rien faire ou adopter une attitude exagérément défensive est de toute évidence inefficace à long terme. Mais il en est de même pour ce qui est de plonger tête première en territoire ennemi. Existe-t-il une position mitoyenne responsable et réaliste? Je le crois. Elle consiste à avancer comme une troupe militaire, en sondant le terrain avec précaution, prêt à soutenir le succès et à exploiter les percées décisives.

Quels sont les principes de l’expérimentation?

Vous apprendrez davantage en agissant et en essayant des choses qu’en restant immobile. On a tendance à ne pas bouger et à défendre sa position quand on ne sait pas où aller ou quoi faire. Malheureusement, cela rend vulnérable face à un changement rapide du marché et aux menaces des concurrents. Sonder graduellement un nouveau marché ou une nouvelle catégorie de produits ou de services vous donne le temps d’apprendre et d’ajuster votre approche sans surinvestir au départ. Vous aurez aussi la possibilité de reculer si vous avez fait une erreur ou mal jugé la situation, ce qui peut se produire assez souvent.

Avancez sur un front large (ou plus large). Vous feriez mieux d’envoyer des éclaireurs pour vous renseigner sur le terrain et les positions ennemies pour ensuite y engager plus de forces au besoin. En affaires, cela peut signifier tenter plusieurs petites « expériences » avec de nouveaux produits ou marchés pour voir ce qui arrive et ensuite conserver celles qui ont réussi.

Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier. Si vous ne pouvez pas faire des prédictions précises au moment opportun, et si vous ne savez pas ce qui va réussir à long terme, il serait alors raisonnable de diversifier vos investissements et vos actifs. Cela ne signifie pas que vous devez devenir un conglomérat. Il est préférable d’expérimenter de manière contrôlée en marge de vos affaires, tout en utilisant les profits des produits et services actuels pour alimenter le travail exploratoire.

Toujours « couvrir » ses déplacements. Quand j’étais un jeune officier d’infanterie, on m’a enseigné à « couvrir » les déplacements de mes forces avec un groupe d’appui immobile au cas où je me retrouverais sous le feu ennemi. C’est pareil en affaires. Il est préférable d’avancer graduellement dans un nouveau marché ou lorsqu’on tente une nouvelle stratégie tout en maintenant le gros de sa position actuelle. C’est la stratégie des petits pas. Cela peut paraître trop lent pour certains, mais cela peut être réalisé avec une rapidité remarquable si vous maintenez la pression en procédant à des changements cumulatifs de manière délibérée et constante.

Soutenez le succès avec des forces d’appoint. Continuons avec l’analogie militaire. Une fois que vous avez traversé les premières lignes ennemies, vous engagez des ressources pour appuyer la percée initiale. Il en va de même avec vos efforts expérimentaux en affaires. Si une ou plusieurs de vos tentatives sont probantes, vous pouvez y investir de nouvelles ressources ou transférer des ressources d’un secteur d’activité existant afin de mieux vous positionner pour l’avenir.

Conserver des réserves pour tirer profit du succès. Tous ces principes exigent un certain niveau de ressources, d’abord pour expérimenter et ensuite pour soutenir le succès en investissant dans ce qui fonctionne. Cela exige de conserver des réserves financières ou d’avoir accès à du capital, soit en empruntant d’un secteur d’activité existant ou auprès de nouveaux investisseurs.

L’idée d’expérimenter en sondant prudemment le terrain au lieu de se lancer à tête baissée est, selon moi, l’un des concepts les plus puissants qu’une entreprise puisse adopter pour demeurer pertinente sur le marché à long terme. C’est une manière de répondre au besoin d’une stratégie offensive en saisissant et en conservant l’initiative, tout en maintenant une position défensive par précaution. En d’autres mots, l’expérimentation est l’essence de la prise de risque prudente.

© 2011 Richard Martin. Reproduction et citation permises avec attribution.