Comment changer ses croyances

mercredi 2 septembre 2009 |

Dans le dernier numéro du Catalyseur du leadership, j'ai présenté une méthode très efficace de changement individuel et organisationnel développé par Robert Kegan et Lisa Lahey et qu'ils ont décrit dans leur plus récent livre, Immunity to Change (Harvard Business Press, 2009). Maintenant je veux vous présenter deux méthodes pour utiliser les informations dégagées par le processus de Kegan et Lahey afin d'effectuer un changement durable de comportement.

On se souvient que la première partie de l'approche préconisée par Kegan et Lahey consiste à se donner un objectif de changement d'importance critique. On cherche ensuite à inventorier tous les comportements qui nous empêchent de rencontrer cet objectif. La prochaine étape consiste à dresser la liste des engagements contradictoires qui trahissent nos comportements non productifs. En dernier lieu, on cherche à cerner les prémisses et croyances profondes sous-jacentes à ses engagements. En d'autres mots, il s'agit de se fixer un objectif de changement, de ce qu'on fait pour ne pas l'atteindre, des engagements cachés qui nous mènent à ses comportements, et des croyances qui nous portent à avoir ses engagements. Mais maintenant la question se pose : Quoi faire avec cette information?

La méthode la plus simple - et la plus rapide - consiste à attaquer de front les croyances inefficaces et contradictoires en les changeant d'un seul coup. Cette approche peut fonctionner si les croyances qui amènent le comportement non souhaité ne sont pas trop ancrées ou ne sont pas de nature à soulever des craintes excessives. Il s'agit simplement de répertorier les croyances et prémisses qui supportent l'objectif en question.

Par exemple, un gestionnaire se fixe comme objectif d'être plus à l'écoute des autres, plus « présent » lors de ses interactions professionnelles. En analysant ses comportements, il réalise qu'une de ses croyances profondes consiste à mépriser ceux et celles qui ont des opinions contraires aux siennes. Il décide donc de dresser la liste des croyances qu'aurait une personne qui est à l'écoute des autres et qui est pleinement présent lors de ses conversations. En y réfléchissant et en faisant quelques recherches, le gestionnaire constate que ces personnes croient sincèrement que les idées des autres ont du mérite parce qu'elles représentent peut-être un vécu différent du sien et qu'elles sont souvent le fruit d'une réflexion profonde ou raffinée. Il réalise que les autres ont sans doute quelque chose à lui apprendre. Ensuite, il s'efforce d'adopter ces nouvelles croyances et prémisses, la logique voulant que l'adoption de celles-ci soit suffisante en soi pour changer ses propres comportements, et donc ses résultats.

Cette méthode est simple et, comme mentionnée plus haut, constitue une attaque frontale contre les croyances profondes qui nous amènent à agir de façon contradictoire à nos objectifs. Dans bien des cas, cette approche peut amener le changement voulu, simplement parce que la personne ne connaissait pas les croyances appropriées pour supporter son objectif. C'est ce qui arrive souvent pour des gestionnaires et leaders novices. Ils manquent d'expérience et n'ont souvent pas reçu une formation ou un encadrement adéquats. Le simple fait de se faire dire les croyances productives ou encore d'y réfléchir peut amener le changement voulu.

Par contre, cette approche ne fonctionne pas dans des cas plus résistants au changement. Dans ce cas, il faut être plus futé et prendre une stratégie plus indirecte. Il s'agit en somme de faire une attaque de flanc ou sur les arrières. Pour ce faire, Kegan et Lahey proposent une approche beaucoup plus graduelle et expérimentale.

* Dans un premier temps, ils proposent de raffiner l'analyse initiale afin de s'assurer que l'objectif de changement est valide et que l'analyse a effectivement bien cerné les croyances et prémisses non productives.

* Deuxièmement, la personne doit se fixer une vision du changement voulu et une définition du succès. Il s'agit de se poser les questions suivantes : Quel est mon (notre) engagement? Quelles sont les premières étapes de mon (notre) plan de changement? De quoi aura l'air une amélioration marquée? De quoi aura l'air le succès dans mon (notre) dessein de changement? En répondant à ces questions, la personne - ou le groupe - aura une idée beaucoup plus claire de son objectif et des comportements qu'elle entend adopter.

* La troisième étape consiste à s'observer en action. On cherche à agir en étant conscient des prémisses fondamentales qui ont été identifiées lors de l'analyse initiale. Il faut rester à l'affut des exemples contraires tout en apprenant à reconnaître les circonstances qui mènent à l'activation de ces prémisses, ainsi que lorsqu'elles ne s'appliquent pas. On peut aussi créer une « biographie » de la prémisse non productive : D'où vient cette prémisse? Comment a-t-elle évoluée? Quelle en est la validité actuelle?

* Quatrièmement, on cherche à « tester » la prémisse non productive. Ainsi, on peut agir intentionnellement de façon contraire à la prémisse afin de voir ce qui arrivera. Ensuite, on réfléchit sur la pertinence et la validité de la prémisse. On peut répéter cette expérience plusieurs fois en augmentant la portée et l'ampleur du test à chaque tentative. Mais attention : Il faut s'assurer de changer graduellement, sans soubresauts. Il est mieux de prendre une approche modeste afin de ne pas brusquer les choses et de sombrer de nouveaux dans les croyances qui amènent les engagements contradictoires. La clé du succès est de se dire qu'il ne s'agit en fait que d'une expérience pour voir ce qui arrivera.

* L'étape finale en est une de consolidation. On peut chercher un nouvel apport externe pour confirmer ou évaluer les progrès. On peut tenter de voir comment le nouveau comportement a amené des changements dans les relations avec les autres. Il faut évaluer continuellement les progrès pour éviter une rechute et pour remonter en selle suite à une rechute. Une fois que le nouveau comportement devient « inconscient », on peut trouver un autre comportement à changer ou une compétence à acquérir.

À n'importe quelle étape du processus, on peut demander l'aide d'un ou de plusieurs personnes de confiance. On peut en plus constituer un groupe d'entraide avec trois ou quatre aux personnes. Un « coach » peut aussi être d'un apport précieux et est même préférable dans les cas les plus coriaces de résistance au changement.

La méthode de changement individuelle ou organisationnelle que j'ai décrit dans ce numéro et le dernier n'est pas nécessairement facile. Il faut un certain courage pour se regarder dans le miroir, car on peut y voir quelque chose qui nous effraie ou qui ne correspond pas à notre idéal. Enfin, si le changement était facile et évident, il ne serait pas nécessaire de faire appel à des méthodes comme celle-ci pour se donner un avantage et déjouer ses croyances profondes. L'important est de commencer maintenant à changer. La première étape est de se fixer un objectif qui aura un impact marquant dans notre vie professionnelle ...ou personnelle. Qu'attendez-vous?

© 2009 Richard Martin

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